Un
sourire discret, dégageant beaucoup de maturité illumine le visage de Kris
Brochec. Cette « afropreneure », fusion entre Afrique et
entrepreneure, représente aujourd’hui le visage de la femme africaine, et de la
femme tout court. Celle qui prend son destin en main, définit ses objectifs et
s’arme des outils nécessaires pour les atteindre. Kris Brochec est une
entrepreneure. Elle transforme ses idées en projet, et ses projets en
entreprise.
De sa naissance en France au Congo où elle vit
aujourd’hui, Kriss Brochec a toujours un projet en gestation. Elle sera en
Haïti dans le cadre d’une Invitation de la Chambre de Commerce des Femmes
Entrepreneures d’Haïti (CCFEH) pour partager son parcours. Paroles d’une femme
dont les réalisations sont une source d’inspiration pour les autres.
1) Parlez nous de vous?
«
Je suis Kriss Brochec, serial entrepreneure, mentor et conférencière
internationale actuellement basée au Congo Brazzaville. Je suis née à Grenoble
en France. Mes parents sont originaire du Congo et certainement pour cela que
j’ai choisi d’y vivre. »
2) Parlez-nous
de vos études, de votre parcours professionnel ?
«
Je suis titulaire d’une Maîtrise de Langues Etrangères Appliquées
(Anglais/Espagnol, Mention: Affaires et Commerces). Par la suite j’ai eu la
chance d’avoir une place en 3ème cycle pour un DESS en Management Interculturel
et Commerce International des Services… Mon parcours n’est pas conventionnel
car sur mes six années d’université, je n’ai été assidue que deux années : La
première et la dernière année. Le reste du temps j’avais un statut de non
assiduité qui me permettait d’être inscrite à l’Université et de travailler en
même temps. Du coup j’ai beaucoup étudié toute seule. Cela m’a permis de
développer des capacités d’apprentissage hors du commun.
Arrivée
sur le marché du travail je me suis rendue compte que j’étais une universitaire
et qu’il serait difficile pour moi de travailler en Agence de publicité comme
je le souhaitais. Les entreprises que je ciblais préféraient des profils
d’étudiants sortis d’Ecole de Commerce. Par ailleurs les postes que l’on me
proposait en tant que manager étaient mal payés…
Je
me suis donc tournée vers l’internet qui en était à ses balbutiements mais
qui si je suivais mes cours d’économie et mon intuition allait exploser un
jour. Le premier site que j’ai créé était mon CV. J’ai appris à coder, puis je me
suis mise à travailler comme consultante internet indépendante. »
3) Qu’est-ce
qui vous a attiré vers le milieu informatique ?
«
Mes débuts en informatique ont vraiment été catastrophiques. Cela a
commencé par un 02/20 en 2ème année de fac, des fichiers effacés, des nuits
blanches …. Par la suite, j’ai décidé que c’était moi qui devais maitriser la
matière et pas le contraire… Je suis devenue une pointure en bureautique, j’ai
même travaillé comme secrétaire et assistance de direction pendant mes études tellement
j’avais un bon niveau. Du coup, lorsque j’ai bifurqué pour entrer dans le
numérique, j’avais des bonnes bases en informatique … »
4) Était-ce
facile de frayer ton chemin en tant que femme dans ce milieu professionnel ?
Quand
je veux faire quelque chose, je ne me pose pas ce genre de questions. Ce n’est
que lorsque je tombe sur un os que je commence à me poser des questions. La
facilité que l’on va avoir à tracer son chemin dans le milieu professionnel
dépend de sa propre aisance relationnelle mais aussi de la confiance que vous
avez en vous. Je reprendrais la citation de Mark Twain: « Ils ne savaient pas
que c’était impossible alors ils l’ont fait. »
5) Etre
une femme entrepreneure n’est surement pas facile, parlez-nous un peu de votre
parcours d’entrepreneure ?
«
J’ai commencé à travailler comme consultante. Après j’ai créé une boite
d’import-export avec mon mari en France où nous vendions du tissu en provenance
de Corée. Parallèlement à cela, j’ai recrée 3 boutiques ligne qui vendaient de
la lingerie. Puis nous sommes partis au Congo. Mon premier business au Congo a
été l’ouverture d’un magasin de vêtements. Par la suite, j’ai lancé une agence
de conseil en communication. Ce que j’aime en Afrique, c’est cette possibilité
d’avoir une idée et de la transformer rapidement en business. Mais dans tout ce
que vous faîtes, vous devez être la locomotive pour impulser le mouvement donc
des qualités en management et leadership sont importantes. Sinon vous n’avez
pas à soulever des montagnes. Par la suite, je me suis lancée dans
l’entreprenariat social en créant une association de proximité pour permettre
aux gens de mon quartier de pouvoir profiter des opportunités offertes par
certains programmes internationaux et du numérique. »
6) Sur
quel projet travaillez-vous en ce moment?
«
L’Africa Digital Academy est mon dernier projet. Il s’agit d’un projet qui
réunit les 2 entités que j’ai créé : Congo Web Agency et AMID Congo. Le but
c’est de lutter contre la fracture numérique en permettant à des communautés ou
certaines franges de la population de pouvoir tirer profit des avantages
offerts par le numérique. Nous organisons des bootcamp sur la création de site
internet. Le programme que j’ai créé sur l’entreprenariat des femmes remporte
vraiment un vif succès. En fait, je me rends compte que les femmes ont besoin
d’un accompagnement personnalisé pour s’attaquer au numérique. Depuis décembre
2017, nous avons formé 75 personnes à la création de site internet. Depuis un
mois, je travaille sur un projet que je devrais lancer en septembre: « Le
boudoir de Kriss ». Un concept réservé exclusivement aux femmes qui va allier
développement personnel, management, leadership, mode et Lifestyle. Une partie
des bénéfices réalisés servira à financer des activités favorisant la présence
des filles dans les sciences. »
7) Quels
sont les luttes qui sont chères à votre cœur?
«Les
causes qui me sont chères concernent surtout les droits des femmes:
L’autonomisation des femmes: l’accès à des salaires décents, égal à celui des
hommes dans le même secteur, l’accès aux financements, etc. Une autre cause,
qui me tient à cœur : les violences faites aux femmes et aux enfants. Mon
féminisme n’est pas extrême, il s’agit d’aider les femmes à prendre leur rôle
dans la société. Les femmes constituent plus de 50 % des habitants sur la
planète, il serait normal qu’elles aient aussi 50 % des pouvoirs. »
8) Quel
est votre regard sur la femme d’aujourd’hui ?
«
La femme d’aujourd’hui a de la chance d’être née à cette époque. Paradoxalement
le combat n’a jamais été aussi fort et puissant. Il est de notre responsabilité
de drainer nos mamans, nos sœurs et nos filles. Dans le monde, nous ne sommes
pas toutes logées à la même enseigne. Mais les choses sont en train de changer
progressivement. Il y a un grand travail qui se fait aussi sur le rôle des
femmes afro-descendantes dans l’évolution de la société. C’est une très bonne
chose. Nos filles pour se développer, pour avancer ont besoin de références. »
9) Qu’est-ce
qui devrait être fait, d’après vous, pour qu’il y ait plus de femmes dans
le monde du numérique ?
«
Il y a peu de femmes dans le numérique car c’est un domaine qui nous fait
un peu peur. Par ailleurs, il n’y a pas suffisamment d’informations disponibles
sur les métiers du numérique. Le manque de femmes dans le numérique et dans les
sciences en général est un vrai problème. Dès l’école primaire, dans
l’éducation, on devrait faire comprendre aux petites filles qu’il n’y a pas de
barrières entre elles et les sciences. Chez moi au Congo, un garçon doit être
bon en maths, une fille doit exceller en français. Et si on inversait la
tendance, ou si on décidait d’asexué les matières. Il y a beaucoup de petites
filles qui ont des aptitudes pour les sciences mais dont le talent est bloqué
par l’environnement. »
10) En
quoi consiste ce voyage en Haïti?
«
Ce voyage à Haïti, consiste pour moi à venir parler de mon projet, l’Africa
Digital Academy.
Il
s’agit pour moi de partager mon expérience mais aussi d’apprendre des autres
participantes. Quelles sont les best practices, quels sont les moyens
disponibles? Comment font les autres qui sont dans la même situation que moi,
etc. Les échanges avec des personnes d’horizon différents sont toujours utiles
et enrichissants. Cela stimule la créativité et permet de se maintenir à flots.
»
11) Avez-vous
un message pour la femme en général?
«
Si vous pensez que vous avez droit à quelque chose et qu’on ne vous le donne
pas. Vous devez vous lever pour le prendre ou l’arracher si besoin est. Placez
toujours la connaissance au-dessus de tout. Entre un livre et une paire de
chaussures, n’hésitez pas : achetez le livre, car le livre vous permettra
d’acheter une quinzaine de paires de chaussures. C’est la culture et le savoir
qui permettent de faire la différence et de vivre dans son temps. C’est la
connaissance qui nous affranchira. »
Source :
www.kouleurimages.com