Thérapie, fétichisme, mysticisme, protection bref disons « NDEUP ». C’est un rite pratiqué par une communauté vivant au Sénégal : la communauté Lébou.
Traditionnellement pêcheurs mais aussi agriculteurs, ils sont concentrés dans
la presqu'île du Cap-Vert (Dakar) qu'ils occupent déjà à l'arrivée des premiers
colons dans la région. Ils parlent la langue wolof. Ils ont été les haut-parleurs
d'origine du wolof. Le gouvernement Lébou de la république Lébou est assisté
par une assemblée législative. L'Assemblée des Frey (jeunes élus) prend en
charge la réalisation effective des décisions du gouvernement ainsi que les
grands travaux. Le chef de la communauté lébou de Dakar est le grand Serigne :
l'actuel est le Serigne Abdoulaye Makhtar Diop.
Ils sont majoritairement musulmans, mais
ont conservé des pratiques issues de leur réligion traditionnelle. Parmi ces
traditions le fameux « ndeup ».
QU’EST-CE-QUE LE « NDEUP »
La
pratique revêt chez les Lébous une importance capitale. Le ndeup, considéré comme une introspection
du Moi de l’individu, permet à ce dernier de maintenir son équilibre mental
au sein de la société. Une communauté a bien des égards difficiles à comprendre
grâce à sa façon de vivre, de parler mais aussi, de par ses rites mystiques.
Une pratique plus que centenaire, qui pourtant, malgré les influences du
modernisme est toujours en vigueur dans la communauté Lébou. Ils semblent s’attacher
à leurs cultes et croyances.
Pour Abdou Mbengue, un jeune lébou d’à peine 20 ans les rites Lébous sont
indispensables pour la stabilité du Sénégal et que ces derniers jouent un rôle
très important dans la paix sociale de notre pays. « Ce n’est pas pour rien que
chaque année on organise, «le grand sarrakh de Dakar». C’est pour demander aide
et protection à leuk Daour le génie protecteur de Dakar, face à tous les dangers et
malheurs qui peuvent guetter notre pays». La protection de l’individu est un
aspect important de la vie de celui-ci.
Pour le
vieux Alioune Badara Diagne, le ndeup est une pratique qui consiste à
purifier l’âme et l’esprit de l’individu, pour le protéger des djinns
malveillants. Une cérémonie non pas folklorique, mais qui répond à un besoin de
protection et qui a pour base le mysticisme. Tout dans cette cérémonie revêt
une signification : les danses, le mil, les battements de tambour, les
litanies prononcées. Très peu de personnes détiennent les secrets de cette cérémonie, qui se
transmet de génération en génération. Cette transmission se fera
continuellement, en vue de garder jalousement les secrets de ce rite lébou. Il n’est pas rare de voir des
personnes tombées en transes lors de ces cérémonies. Le ndeup permet d’extérioriser tout le mal
qui se trouve en l’individu et pour apporter des remèdes à son mal très souvent
d’origine mystique. Abdoulaye, la trentaine, avait du mal à croire à ses
histoires bien qu’étant Lébou grâce à sa descendance. Abdoulaye a vécu presque
toute son enfance en France et avec son esprit cartésien, ce dernier pensait
que «ces histoires lébous» ne le concernaient pas. «Au début, je me disais que
toutes ces pratiques n’étaient rien d’autres qu’une façon de perpétuer une
tradition de vieux nostalgiques. Mais un jour, en participant à une cérémonie dans
mon village de Yoff, c’est comme s’il y avait quelque chose qui bougeait en
moi. Et je ne sais pas comment cela s’est passé, mais je me suis retrouvé à
terre en transe. Lorsque j’ai retrouvé mes esprits, je me suis rendu compte
plus tard que ces choses-là existent. J’avoue que j’ai du mal à convaincre ma
petite sœur et j’espère qu’il ne va pas lui arriver la même chose que moi».
Le ndeup est reconnu comme étant une thérapie de groupe, car plusieurs personnes qui souffraient de troubles mentales ou qui étaient dépressives, ont pu recouvrer leur santé après avoir subi ces séances de ndeup. Existeraient-ils des ressemblances avec le « khoye» (prédication de l’avenir) pratiqué par les saltigués sérères ? Une question qui offense presque le vieux Alioune Badara Diagne. Pour lui, le ndeup a une fonction thérapeutique et permet à l’individu de retrouver son Moi intérieur. Même s’il y a du mystique et des pratiques culturelles, il demeure certain que le lébou est avant tout un musulman croyant et pratiquant. Pour le vieux Alioune Badara Diagne, ceux qui font le «khoye» sont très souvent des animistes et des féticheurs. Des choses qui n’ont rien à voir avec le ndeup, qui participe à la protection de l’individu et de la ville. De toute évidence, cette pratique plus que millénaire reste une croyance forte des Lébous. Pratiqué depuis des années par les vieux, le ndeup est aujourd’hui perpétué par la nouvelle génération, qui estime que c’est une façon de garantir la continuation du rite et de perpétuer les valeurs reçues de leurs an sacrements…»
DANS QUELLES CONDITIONS SE DEROULE LE NDEUP ?
Durant les séances, des sacrifices sont faits : bœufs, moutons, poulets… les animaux sont exécutés et des danses rythmées, au son des tambours et autres chants traditionnels, sonnent la fin de la cérémonie. Ce n’est pas tout, puisque n’importe qui ne peut s’adonner à l’exorcisme. Le « ndeup » est une pratique mystique exercée par une personne sous l’injonction des Djinns, dans le but de soigner des malades atteints par les mauvais esprits. La personne qui est habilitée à l’effectuer est désignée, depuis sa naissance, par les esprits. Elle doit recevoir une certaine autorisation de la part des Djinns. Le rituel se déroule comme suit : Le «ndeupkat» (celui qui, avant de commencer à traiter son patient, consulte les cauris et les «khaamb» pour voir de quel genre de «rapp» il s’agit. Et alors seulement commence la séance d’exorcisme. Les parents de la victime devront acheter tous les éléments du sacrifice, communiqués au «ndeupkat» par les Djinns. Après le sacrifice, le patient est conduit auprès des «khaamb» (bois sacrés) où il prendra un bain rituel. Enfin, une grande cérémonie est organisée durant laquelle, des incantations sont prononcées sous le rythme des tambours, pour permettre au patient d’entrer en transe, danser et expulser le «mal». Il est alors guéri et du coup, immunisé. Le rituel dure 11 jours. D’après eux, tous les fous que vous voyez traîner dans la rue, c’est parce que leurs parents ont négligé cette tradition. Le «ndeup», c’est la thérapie la plus efficace contre les mauvais esprits voire la seule.
LE « NDEUP », QU’EN-PENSE
LES CITOYENS ?
Les esprits cartésiens pensent certainement que les spécialistes de la santé mentales réfutent catégoriquement un quelconque effet thérapeutique du « rite Ndeup ». Pourtant, il n’en est rien en réalité. En effet, interrogé sur la question, le docteur Edouard Gagn Bouré Séne, interne des hôpitaux et psychiatre à l’hôpital de Fann, invoque le concept d’ethno psychiatrie qu’il emprunte au professeur et psychiatre Henri Collomb, un médecin militaire français qui a longtemps été en poste à Dakar. Ce dernier est fondateur d’une nouvelle approche de la psychiatrie consistant à prendre en compte les facteurs liés à la culture des patients. Il a publié à ce sujet, dans la revue canadienne de psychiatrie:
«De l’ethnopsychiatrie à la psychiatrie sociale ». Selon notre interlocuteur, le
docteur Edouard Gagn Bouré Séne, le professeur et psychiatre Henri Collomb a eu
à expérimenter cette pratique sur une dame que la psychiatrie classique
n’arrivait pas à guérir et cela avait donné un effet positif. Ce qui permet à
notre interlocuteur de conclure que la psychiatrie ne réfute aucune approche
thérapeutique qui a des effets positifs sur le patient. Donc, elle ne réfute
pas forcement la pratique du « Ndeup ». (SOURCES : SENENEWS)
Khadija, une jeune de 25ans donne son
avis sur le sujet : « pour dire vrai, moi cette pratique me fait rire
car allant jusqu’à dire que les séances de « ndeup » et leuk
Daour protègent la ville
de Dakar voir le pays est juste fou. Il faut qu’ils acceptent de changer leurs
mentalités et c’est à la jeunesse Lébou de le faire. Les fous, on les soigne
dans les hôpitaux et non avec du sang et du lait caillé comme ils le font.
Et ce qui me dérange le plus avec cette mauvaise pratique est que c’est du
fétichisme. Ils se réclament musulmans pourtant la religion condamne tout
ce qui est en rapport avec les fétiches ».
Pourtant,
elle n’est pas la seule à condamner ce rite Mickael Ugbo aussi. Il est
d’origine ghanéen et vit au Sénégal depuis plus de 17ans. Il nous raconte sa
mésaventure avec les Lébous qui effectuaient le rite.
« J’ai l’habitude d’aller tous les mardis et les
soirs à la plage de Terrou-bi mais je n’ai jamais su qu’on y effectuait ces
genres de choses. Un jour, mon camarade de classe me demande de venir assister
afin de découvrir leur tradition à la même plage. Par pure curiosité, j’y suis
allé mais cela ne va plus se répéter. Je suis resté des jours sans dormir.
Tellement j’étais terrifié à cause du sang, de leurs déguisements, des chants
pas trop bons à l’oreille mais surtout des personnes que je voyais hurler, même
mon ami était tombé en transe. C’était l’horreur. C’est vraiment à bannir
vraiment. Peut-être que je ne suis pas sénégalais mais je crois que ça n’a pas
d’importance et c’est terrifiant».
S’il y a une pratique que ni le temps, ni la modernité n’a pu arracher à ses thuriféraires zélés, c’est bien le rite « Ndeup ». Les lébous ne laisseront pour rien au monde leur tradition laissée par leurs ancêtres. Ce rite qui leur protège du mal tout comme le grand père LEUK DAOUR, le génie protecteur de Dakar.
Khamb: lieu sacré
Ndeupkat: guérisseur,chargé des rituels
Ndeye Penda Diallo